Dans toute société, les associés ont vocation à percevoir les bénéfices générés par l’activité de la société et donc les dividendes qui en résultent. Cette prérogative étant intimement liée à la détention de parts sociales ou d’actions. La question se pose de savoir qui a droit aux dividendes en cas de mouvement d’associés, et en particulier suite à une cession de titres sociaux, au retrait, à l’exclusion ou encore au décès d’un associé.
Lorsqu’une cession de titres intervient en cours d’exercice après la réalisation de bénéfices par la société mais avant que l’assemblée des associés n’ait décidé de les distribuer (on parle de « dividendes non échus »), on peut se demander qui, du cédant ou de l’acquéreur, a droit aux dividendes.
Le plus souvent, l’acte de cession le précise. Mais parfois, il ne le prévoit pas.
À noter : on peut penser que, sauf exception (notamment relative au traitement fiscal des dividendes), les règles dégagées pour la cession s’appliquent aux donations de titres.
Dans cette hypothèse, la Cour de cassation (Cassation commerciale, 23 octobre 1990, n° 89-13999) considère que le droit aux dividendes naît seulement à compter de la décision de l’assemblée générale de distribuer tout ou partie des bénéfices réalisés et non dès la réalisation de ceux-ci. C’est donc la personne qui est associée au jour de l’assemblée générale annuelle décidant la mise en distribution des dividendes qui en est bénéficiaire. Ainsi, lorsque la cession des titres intervient après la décision de distribuer les dividendes, ces derniers appartiennent au vendeur, alors qu’ils reviennent à l’acquéreur si la cession intervient avant cette décision, peu important qu’ils se rapportent à des bénéfices réalisés à une époque où celui-ci n’était pas encore associé.
À noter : la date de mise en paiement des dividendes (c’est-à-dire leur versement effectif aux associés) n’a aucune incidence.
Quant au traitement fiscal de l’opération, il faut distinguer selon le régime d’imposition de la société dont les titres sont cédés.
Lorsque celle-ci est soumise à l’impôt sur les sociétés, les dividendes sont imposés au nom de leur bénéficiaire (acquéreur ou cédant) de la manière suivante :
– si le bénéficiaire est une société ou une entreprise, les dividendes sont comptabilisés en produits (à recevoir) dès la décision de distribution et sont en principe inclus dans le résultat fiscal de l’exercice en cours à cette date ;
– si le bénéficiaire est une personne physique, les dividendes sont, en tant que revenus mobiliers, soumis à l’impôt sur le revenu au titre de l’année soit de leur paiement en espèces ou par chèques, soit de leur inscription au crédit d’un compte.
Dans une société soumise à l’impôt sur le revenu, les bénéfices sont considérés comme acquis à la date de la clôture de l’exercice, seuls les associés présents dans la société à cette date étant imposables sur la part qui leur échoit. Les dividendes attachés aux parts cédées sont donc imposables entre les mains de l’acquéreur en cas de cession en cours d’exercice.
Le plus souvent, l’acte de cession prévoit les modalités d’attribution des dividendes. Ainsi, les parties peuvent convenir par exemple :
– d’attribuer les dividendes non échus à l’acquéreur ;
– d’attribuer les dividendes afférents à l’exercice clos au cédant ;
– de répartir les dividendes de l’exercice en cours entre l’acquéreur et le cédant au prorata du temps pendant lequel ils sont restés associés ;
– de prévoir une date d’entrée en jouissance à partir de laquelle l’acquéreur sera bénéficiaire des dividendes (ceux-ci revenant donc au cédant si la décision de distribution intervient avant cette date).
Attention : la société doit être informée de la répartition conventionnelle des dividendes pour qu’elle lui soit opposable. À défaut, la société peut valablement verser les dividendes à celui qui est désigné comme associé dans ses registres.
D’un point de vue fiscal, la Cour de cassation considère que l’attribution au cédant d’une fraction des bénéfices de l’exercice avant la clôture de celui-ci et avant la décision de distribution ne constitue pas une distribution de dividendes mais un élément du prix de cession des droits sociaux qui doit donc être soumis aux droits de mutation. Il semble que l’on peut en déduire, en matière d’impôts directs, que les dividendes attribués conventionnellement au cédant ne sont pas imposables entre ses mains mais entre celles de l’acquéreur soit en tant que revenus mobiliers (société soumise à l’IS), soit en tant que bénéfices professionnels (société soumise à l’IR).
À noter : le montant de la plus-value ou moins-value réalisée par le cédant est corrélativement augmenté ou diminué du montant de la rétrocession d’une fraction des dividendes consentie par l’acquéreur.
Lorsque, à l’inverse, la cession de titres intervient après la décision de distribution et qu’elle prévoit que les dividendes seront versés à l’acquéreur, cette attribution conventionnelle est, semble-t-il, opposable au fisc. Les dividendes devraient donc être imposés au nom de l’acquéreur.
La distribution d’acomptes sur dividendes peut être décidée par les dirigeants de sociétés commerciales à certaines conditions (notamment la réalisation d’un bénéfice par la société depuis la clôture de l’exercice précédent). En cas de cession de titres, ont droit aux acomptes les personnes qui sont associées ou actionnaires à la date à laquelle leur distribution a été décidée. Ainsi, c’est le cédant qui, sauf disposition contraire prévue dans l’acte de cession, a droit aux acomptes lorsque la cession des titres intervient après la distribution des acomptes mais avant la décision des associés d’affectation des résultats.
Dans les sociétés par actions, les statuts peuvent prévoir d’attribuer un dividende majoré aux actionnaires qui détiennent leurs actions depuis au moins deux ans. En cas de cession des actions, le droit aux dividendes majorés n’est pas transmis à l’acquéreur puisque, par définition, celui-ci ne remplit pas la condition « d’ancienneté ».
Un associé de société civile a le droit de se retirer de sa société dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés.
À noter : ce droit, dit « de retrait », est une originalité en droit des sociétés, car il n’existe, outre dans les sociétés civiles, que dans les sociétés à capital variable et les sociétés par actions simplifiées.
L’associé qui se retire a droit, en principe, au remboursement de la valeur de ses droits sociaux. Il perd alors sa qualité d’associé et ne peut pas prétendre aux dividendes que la société décide de distribuer en fin d’exercice, sauf – semble-t-il – si les statuts en disposent autrement.
Et attention, la Cour de cassation (Cassation civile 1re, 1er juillet 2010, n° 09-15358) considère que tant qu’un associé qui a choisi de se retirer de la société n’a pas perçu le remboursement de la valeur de ses droits sociaux, il conserve sa qualité d’associé. Il garde donc les mêmes droits et reste tenu des mêmes obligations que tout autre associé. Conséquence pratique : il peut toujours exercer son droit de vote aux assemblées générales des associés et peut prétendre au versement de dividendes.
En principe, tout associé a le droit de rester dans la société dont il fait partie et ne peut en être exclu ni forcé de céder ses titres contre son gré. Toutefois, ce droit peut être écarté par les statuts dans certaines sociétés (sociétés à capital variable, SAS…) et est écarté par la loi dans certaines situations (défaut de libération des actions d’une SA par exemple). Il semble également possible de prévoir l’exclusion d’un associé en insérant dans les statuts une clause à cette fin.
Dans tous les cas, la société qui choisit d’exclure un associé doit respecter la procédure fixée à cet effet dans les statuts et doit notamment procéder au remboursement des droits sociaux de l’intéressé. Ce dernier perd alors la qualité d’associé et ne peut prétendre aux dividendes distribués en fin d’exercice que, semble-t-il, dans les conditions prévues par les statuts.
Comme pour l’associé qui exerce son droit de retrait, l’associé qui est exclu ne perd sa qualité d’associé qu’après le remboursement de ses parts. Il peut donc toujours exercer son droit de vote aux assemblées générales des associés et prétendre à sa part de bénéfices.
La transmission des titres suite au décès d’un associé diffère selon le type de sociétés (SARL, SNC, SA, sociétés civiles…) et les dispositions statutaires de la société concernée.
Il faut donc se reporter aux principes propres à chaque société ainsi qu’aux statuts pour savoir qui devient associé et comment.
Plusieurs hypothèses peuvent se présenter :
– les titres sont transmis aux héritiers de l’associé défunt : ceux-ci en sont alors, jusqu’au partage, les copropriétaires indivis. Ce sont donc eux qui ont vocation à percevoir les dividendes à venir ;
– les statuts prévoient de soumettre les héritiers à l’agrément des autres associés : en cas de refus d’agrément, les titres doivent alors être rachetés par les associés ou par des tiers agréés dans un certain délai. Passé ce délai, l’agrément est réputé acquis et les héritiers deviennent associés. Ils ont alors vocation à percevoir les dividendes à venir ;
À noter : se pose la question du sort des titres pendant la période comprise entre la date du décès et celle de l’agrément : les héritiers peuvent-ils exercer les droits attachés aux titres (dont la perception de dividendes) détenus par le défunt pendant cette période ? On peut penser que non, l’inverse enlevant toute signification à la procédure d’agrément. Les titres seraient donc en quelque sorte gelés.
– les statuts prévoient que, en cas de décès d’un associé, la société continue avec les seuls associés survivants : les héritiers sont ainsi évincés de la société. Dans ce cas, ils ont droit à la valeur des droits sociaux détenus par le défunt. Mais ont-ils la qualité d’associé tant qu’ils n’ont pas perçu la valeur de ces titres ? Il semble que non, les héritiers ne pouvant prétendre qu’à la valeur des droits de leur auteur suite à son décès, sans pour autant acquérir à aucun moment la qualité d’associé. Ils n’ont donc pas droit à percevoir des dividendes.
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