Si vous exercez votre activité professionnelle en tant qu’entrepreneur individuel (ou en tant que micro-entrepreneur), l’intégralité de vos biens, tant professionnels que personnels, est exposée aux poursuites des créanciers de l’entreprise. En effet, n’étant pas dotée d’un statut juridique autonome, l’entreprise individuelle ne dispose pas d’un patrimoine qui lui est propre. Toutefois, il existe un certain nombre de solutions qui vous permettent de protéger votre patrimoine privé et familial en le séparant de celui qui est affecté à votre activité. Voici un panorama de l’ensemble de ces dispositifs.
Simple et peu coûteuse, la première solution que vous pouvez mettre en place pour limiter les risques patrimoniaux inhérents à l’exercice de votre activité consiste à déclarer vos biens immobiliers insaisissables. Instauré il y a plus d’une dizaine d’années et étendu par la suite, le mécanisme de la déclaration d’insaisissabilité offre, en effet, à tout chef d’entreprise individuelle immatriculé à un registre professionnel ou exerçant une activité indépendante (commerçant, artisan, professionnel libéral, agriculteur) la faculté de mettre ses biens fonciers, bâtis ou non bâtis (autres que sa résidence principale qui est insaisissable de plein droit), qui ne sont pas affectés à l’exercice de son activité, à l’abri des convoitises de ses créanciers professionnels. Grâce à cette déclaration, qui doit impérativement être souscrite chez un notaire, vous pouvez ainsi protéger un appartement, une maison secondaire ou encore un terrain vous appartenant.
Attention toutefois, la protection procurée par ce biais n’est pas absolue : elle joue uniquement à l’égard de vos créanciers professionnels dont la créance est née postérieurement à la publication de la déclaration d’insaisissabilité au fichier immobilier. Ainsi, si votre entreprise connaît des difficultés, ces derniers ne pourront pas agir sur les biens objets de la déclaration. En revanche, vos créanciers professionnels dont la créance est née avant la publication de la déclaration ainsi que vos créanciers personnels conservent le droit de saisir les biens que vous avez déclarés insaisissables. Vous avez donc intérêt à établir cette déclaration au plus tôt !
D’un point de vue stratégique, si le mécanisme de la déclaration d’insaisissabilité est très séduisant, vous devez néanmoins l’utiliser avec parcimonie. Car à vouloir mettre trop de biens hors de portée de vos créanciers, vous réduisez d’autant votre capacité à constituer des garanties et donc à obtenir un crédit.
Important : depuis la loi « Macron » du 6 août 2015, la résidence principale de l’entrepreneur individuel est insaisissable de plein droit (sans aucune formalité à accomplir) par ses créanciers professionnels. Cette protection automatique ne valant qu’à l’égard des créanciers professionnels dont la créance est née après le 6 août 2015. S’agissant des créanciers antérieurs, l’éventuelle déclaration d’insaisissabilité de la résidence principale, souscrite en son temps, leur est évidemment opposable, tout au moins à ceux dont la créance est postérieure à cette déclaration.
Pour protéger vos biens personnels, vous avez également la possibilité de constituer une entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL). Apparue en 2011, cette nouvelle forme d’entreprise a pour objet de permettre à l’entrepreneur individuel d’affecter à son activité professionnelle un certain nombre de biens qu’il sépare ainsi de son patrimoine privé. Ce patrimoine, dit « d’affectation », devant être composé au minimum des biens « nécessaires » à l’exercice de l’activité (local, machines, outillage…). Sachant que vous avez la faculté, si vous souhaitez rassurer vos créanciers, d’y inclure d’autres biens qui sont simplement « utiles » à cette activité (par exemple, un véhicule personnel que vous utilisez aussi pour vos déplacements professionnels).
Constituer une EIRL, ou transformer son entreprise en EIRL, est relativement simple. Il suffit de déposer au registre de publicité légale dont vous relevez (RCS, répertoire des métiers…) une déclaration comportant un état descriptif des biens que vous intégrez dans le patrimoine d’affectation et la valeur de ces biens. Une fois la déclaration enregistrée, le gage de vos créanciers professionnels – et c’est tout l’intérêt de ce dispositif – se limite à ce patrimoine affecté. À l’inverse, vos créanciers personnels ne peuvent plus agir que sur votre patrimoine personnel. Étant précisé que, là encore, les créanciers concernés par cette séparation des patrimoines sont uniquement ceux dont la créance est née après le dépôt de la déclaration d’affectation.
Un inconvénient : l’adoption du statut d’EIRL vous impose d’accomplir certaines formalités, en particulier de déposer votre bilan au registre dont vous dépendez.
Autre solution envisageable, et adoptée par de nombreux entrepreneurs, le recours à une société. Car contrairement à l’entreprise individuelle, la société est une structure juridique propre qui possède un patrimoine distinct de celui des associés, ce patrimoine social constituant, dans la plupart des cas, le seul gage des créanciers professionnels. Si vous décidez de passer en société, et à condition qu’elle soit à risque limité comme une EURL ou une SASU (si vous souhaitez être le seul associé), une SARL ou une SAS (en cas d’association avec une autre personne), vous ne devrez contribuer aux éventuelles pertes de celle-ci que dans la limite des biens que vous lui aurez apportés.
Cette protection patrimoniale a toutefois son revers : faute de garanties suffisantes, les banquiers peuvent être réticents à accorder leur concours à la société. Aussi, très souvent, demandent-ils au dirigeant (associé) de se porter caution pour celle-ci en contrepartie de l’octroi d’un crédit. Et dans ce cas, ses biens personnels sont exposés. Ce qui atténue évidemment les effets de la limitation de responsabilité…
À noter : que vous exerciez votre activité à titre individuel ou en société, vos biens immobiliers professionnels ne sont pas protégés. Pour les mettre à l’abri des poursuites des créanciers de l’entreprise, une solution consiste à les placer dans une société civile immobilière (SCI) qui les donnera en location à l’entreprise ou à la société d’exploitation. Attention toutefois à fixer un loyer conforme aux prix du marché.
Au-delà de ses propres biens, le chef d’entreprise doit également éviter que les éventuelles difficultés économiques de l’entreprise ne rejaillissent sur son conjoint et sur son patrimoine familial. Dans cette optique, il doit veiller, lorsqu’il se marie, à choisir un régime matrimonial adapté à sa situation.
En effet, dans la majorité des cas, les époux adoptent, parfois sans le savoir, le régime de la communauté réduite aux acquêts. Or le chef d’entreprise marié sous un tel régime engage, par ses dettes professionnelles, non seulement ses biens propres (par exemple, les biens qu’il a acquis personnellement avant le mariage), mais aussi les biens communs du couple, acquis pendant le mariage (à l’exception toutefois des gains et salaires du conjoint). En optant pour un régime séparatiste, qui confère aux époux une totale indépendance patrimoniale, ses créanciers professionnels ne pourront saisir que ses propres biens. À condition toutefois que les époux ne s’engagent pas solidairement, par exemple lors de la souscription d’un prêt.
Précision : changer de régime matrimonial pendant le mariage n’est possible que si le régime en cours a été appliqué pendant au moins 2 ans. Un changement qui a un coût (2 500 € en moyenne) et nécessite l’intervention d’un notaire.
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