Entrée en vigueur depuis le 1 juillet 2014 et applicable, en principe, aux procédures ouvertes à compter de cette date, une ordonnance du 12 mars 2014 a apporté un certain nombre d’aménagements au droit des entreprises en difficulté. Voici les principaux d’entre eux.
La procédure de conciliation permet au chef d’entreprise de mettre en place, avec l’aide d’un conciliateur, une négociation avec ses principaux créanciers dans le but d’aboutir à un règlement amiable de ses difficultés.
Précision : pour y recourir, l’entreprise doit rencontrer des difficultés juridiques, économiques ou financières existantes ou prévisibles, mais ne doit pas se trouver en état de cessation des paiements, ou alors l’être depuis moins de 45 jours.
Parmi les principales modifications apportées à la procédure de conciliation et destinées à inciter les entreprises à y recourir, l’ordonnance prévoit que les clauses qui modifient les conditions de poursuite d’un contrat en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de la désignation d’un conciliateur seront réputées nulles et non écrites. Auparavant, seules les clauses prévoyant la déchéance du terme ou la résolution d’un contrat en cas d’ouverture d’une procédure collective étaient réputées non écrites.
Autre apport de l’ordonnance : la mission du conciliateur est étendue. Celui-ci pourra être chargé par le juge, sur demande du débiteur, d’organiser la cession totale ou partielle de l’entreprise, susceptible d’être mise en œuvre ensuite dans une procédure collective. Il pourra également être chargé de suivre l’exécution de l’accord amiable obtenu.
L’ordonnance donne aussi au débiteur la faculté de demander au juge des délais de paiement s’il est mis en demeure de payer ou poursuivi en paiement avant l’ouverture de la conciliation, et non plus seulement au cours de la procédure. Il pourra également demander des délais de paiement pendant la durée de l’exécution de l’accord lorsqu’il sera mis en demeure ou poursuivi par un créancier extérieur à l’accord.
Par ailleurs, pour l’instant, seuls les créanciers qui consentent, dans l’accord, un nouvel apport de trésorerie ou fournissent un nouveau bien ou service au débiteur bénéficient d’un privilège de paiement sur les autres créanciers lorsque le débiteur fait ensuite l’objet d’une procédure collective. Ce privilège sera également ouvert aux créanciers qui auront accordé leur aide dans le cadre d’une procédure de conciliation ayant abouti à un accord homologué par le tribunal et non plus seulement aux créanciers ayant participé à l’accord.
Enfin, en cas d’échec de la conciliation, le tribunal ne pourra plus statuer d’office sur l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire du débiteur.
Pour rappel, la procédure de sauvegarde permet à un chef d’entreprise de demander à bénéficier d’un traitement judiciaire de ses difficultés, sans attendre d’être en cessation des paiements. Elle a pour but, par la mise en place d’un plan de sauvegarde, de permettre à l’entreprise de continuer son activité, au besoin en procédant à sa réorganisation, de maintenir l’emploi et d’apurer ses dettes.
Précision : pendant la procédure, l’entreprise reste administrée par son dirigeant, mais le tribunal peut désigner un ou plusieurs administrateur(s) chargé(s), selon les cas, de le surveiller ou de l’assister dans sa gestion.
Actuellement, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde n’entraîne pas l’exigibilité immédiate de la fraction non encore libérée du capital social par les associés. L’ordonnance a modifié ce point en permettant au mandataire judiciaire de mettre en demeure un associé de verser les sommes restant dues à ce titre.
À noter : cette disposition sera également applicable aux procédures de redressement et de liquidation judiciaires.
Par ailleurs, l’ordonnance a supprimé l’obligation de payer comptant (c’est-à-dire sans délai) le créancier dont le contrat en cours au jour de l’ouverture de la sauvegarde se poursuit pendant la période dite « d’observation ».
Précision : la période d’observation, qui dure entre 6 et 18 mois, sert à effectuer un bilan économique et social de l’entreprise et à étudier ses possibilités de rétablissement.
Enfin, autre nouveauté : tout créancier membre d’un comité de créanciers pourra proposer un projet de plan différent de celui du débiteur, qui fera l’objet d’un rapport de l’administrateur. Jusqu’à maintenant, seul le débiteur avait l’initiative de présenter un projet de plan.
À noter : cette faculté appartient à l’administrateur dans le cadre d’un redressement judiciaire.
Ce projet de plan sera soumis au vote de chaque comité de créanciers. Le projet adopté par les comités sera ensuite présenté au tribunal.
L’ordonnance a instauré une nouvelle procédure. Il s’agit d’une variante de la procédure de sauvegarde, fortement inspirée de la sauvegarde financière accélérée (SFA), instaurée en 2010, mais plus longue (3 mois contre un seul, renouvelable, pour la SFA) et produisant des effets à l’égard de tous les créanciers de l’entreprise (fournisseurs et financiers, et non pas seulement financiers). Comme la SFA, elle ne pourra être ouverte qu’à la demande du débiteur, engagé dans une procédure de conciliation, qui justifiera avoir élaboré un projet de plan tendant à assurer la pérennité de son entreprise.
La sauvegarde accélérée ne concernera que les entreprises d’une certaine importance, à savoir :- celles dont les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et dont le nombre de salariés est supérieur à 20, le chiffre d’affaires supérieur à 3 millions d’euros hors taxes ou le total du bilan supérieur à 1,5 million d’euros ;- ou celles qui ont établi des comptes consolidés.
Précision : l’entreprise en état de cessation des paiements pourra recourir à cette procédure à condition de ne pas l’être depuis plus de 45 jours.
Pour rappel, la procédure de redressement judiciaire, qui doit être mise en œuvre par toute entreprise en cessation de paiements, permet la poursuite de l’activité de l’entreprise, l’apurement de ses dettes et le maintien de l’emploi. Elle peut donner lieu à l’adoption d’un plan de redressement à l’issue d’une période d’observation, pendant laquelle un bilan économique et social de l’entreprise est réalisé.
Outre certaines modifications apportées à la sauvegarde qui sont communes au redressement judiciaire (l’exigibilité immédiate de la fraction non encore libérée du capital social, la possibilité pour tout créancier membre d’un comité de créanciers de proposer un plan de continuation éventuellement concurrent de celui du débiteur), on peut retenir, parmi les principaux autres aménagements de cette procédure, la faculté désormais ouverte à l’administrateur judiciaire, si les capitaux propres de la société demeurent inférieurs à la moitié du capital social, de demander en justice la désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée des associés et de voter sur la reconstitution du capital, à la place du ou des associés opposants lorsque le projet de plan prévoit une augmentation du capital en faveur d’une ou plusieurs personnes qui s’engagent à respecter le plan.
Par ailleurs, lorsque le plan de redressement prévoit des licenciements économiques et que l’employeur ou l’administrateur a consulté au préalable les représentants du personnel sur ce projet et, notamment, sur le plan de sauvegarde de l’emploi, ceux-ci devront, à l’avenir, se prononcer avant une date butoir (au plus tard le jour ouvré précédant l’audience du tribunal statuant sur le plan de redressement).
Pour rappel, lorsque le débiteur est en état de cessation des paiements et que son rétablissement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire s’impose. Elle met fin à son activité : les biens de l’entreprise sont alors vendus afin de permettre le paiement des créanciers.
Comme pour la sauvegarde et le redressement judiciaire, l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire entraînera l’exigibilité immédiate de la fraction non encore libérée du capital social. Et comme pour le redressement, lorsque des licenciements économiques sont envisagés (dans le cadre d’un plan de cession) et que l’employeur ou l’administrateur a consulté au préalable les représentants du personnel sur ce projet, ceux-ci devront se prononcer au plus tard le jour ouvré précédant l’audience du tribunal statuant sur le plan.
Par ailleurs, l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire n’entraînera plus la dissolution de la société, comme c’est actuellement le cas. La société sera donc dissoute seulement à compter du jugement ordonnant la clôture de la procédure pour insuffisance d’actif.
Précision : dans les rares cas de clôture pour extinction du passif, cette mesure permettra à une société de reprendre son activité, ce qu’elle ne pouvait pas faire jusqu’à présent puisqu’elle était automatiquement dissoute.
Par ailleurs, la liquidation pourra être clôturée dès lors que l’intérêt de la poursuite de la procédure sera disproportionné par rapport aux difficultés de réalisation des actifs résiduels. En d’autres termes, lorsque les frais de justice se révéleront disproportionnés par rapport au montant des actifs à vendre pour solder le passif.
Précision : cette disposition sera applicable aux procédures collectives en cours au 1er juillet 2014.
Inspirée d’une procédure de traitement du surendettement des particuliers (appelée « le rétablissement personnel »), une nouvelle procédure, le « rétablissement professionnel », peut conduire, sans liquidation, à un effacement des dettes professionnelles. Un effacement qui, jusque-là, ne pouvait intervenir précisément qu’en cas de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif (après vérification et admission des créances puis cession de l’ensemble des actifs du débiteur).
Ouverte pour une période de 4 mois, la procédure de rétablissement professionnel sera réservée aux personnes physiques (commerçants, artisans, professionnels libéraux, agriculteurs) qui ne feront pas l’objet d’une procédure collective en cours, qui n’auront employé aucun salarié au cours des 6 derniers mois, et dont l’actif déclaré sera inférieur à 5 000 €. L’objectif de cette nouvelle procédure étant d’éviter une liquidation judiciaire dont les frais de justice ne pourraient pas être couverts par l’actif de l’entreprise.
Cette procédure ne pourra être ouverte que si le débiteur déclare son état de cessation des paiements, demande l’ouverture d’une liquidation judiciaire et accepte d’opter pour un rétablissement professionnel.
Précision : cette procédure ne pourra pas bénéficier aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL) ni aux entrepreneurs ayant fait l’objet, lors des 5 dernières années, d’une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif ou d’une décision de clôture d’une procédure de rétablissement personnel.
Pour rappel, lorsqu’une personne détient une créance impayée sur un professionnel qui est placé en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire, elle ne peut plus directement poursuivre en paiement son débiteur mais doit déclarer cette créance auprès du mandataire ou du liquidateur judiciaire pour espérer recouvrer, dans le cadre de la procédure collective, tout ou partie de cette somme.
Précision : en l’absence de déclaration, le créancier défaillant ne sera pas pris en compte dans les éventuelles répartitions qui s’opéreront ensuite entre les créanciers dans le cadre de cette procédure.
La déclaration de créances doit être faite par le créancier lui-même, un mandataire de son choix ou un préposé (un salarié). Jusqu’à présent, le mandataire devait être titulaire d’un mandat spécial à cet effet. Quant au préposé, il devait justifier d’une délégation de pouvoir, dont les conditions de régularité font l’objet d’une importante et fluctuante jurisprudence. L’ordonnance réformant les procédures collectives devrait mettre fin aux contentieux en la matière. En effet, elle prévoit que le créancier pourra ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance.
Mieux, lorsque le débiteur aura porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il sera présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’aura pas adressé sa déclaration de créance.
Par ailleurs, la déclaration de créance doit être faite, en principe, dans le délai de 2 mois maximum à compter de la publication au Bodacc (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales) du jugement ouvrant la procédure. À défaut de déclaration dans ce délai, le créancier est dit « forclos » et sa créance ne sera pas non plus prise en compte dans la procédure. Toutefois, il peut demander au juge-commissaire en charge de la procédure d’être relevé de cette forclusion, sous certaines conditions. Conditions qui ont été allégées par l’ordonnance. Le créancier pourra ainsi obtenir d’être relevé de sa forclusion s’il établit que le débiteur a omis de le mentionner dans la liste de ses créanciers, transmise aux organes de la procédure. Il devra alors déclarer sa créance dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision le relevant de sa forclusion.
L’ordonnance a modifié le régime de la déclaration d’insaisissabilité qui permet à un entrepreneur individuel de mettre à l’abri des poursuites de ses créanciers professionnels sa résidence principale, ainsi que ses autres biens fonciers, bâtis ou non bâtis (maison secondaire, appartement, terrain nu…), qui ne sont pas affectés à son activité professionnelle.
En pratique : établie devant un notaire, la déclaration d’insaisissabilité doit être ensuite publiée au bureau des hypothèques ainsi que dans le registre de publicité légale à caractère professionnel auquel l’entrepreneur est immatriculé.
Ainsi, la déclaration d’insaisissabilité faite alors que l’entrepreneur est en cessation des paiements encourra automatiquement la nullité. Et elle pourra être annulée si elle a été effectuée dans les 6 mois précédant la date de cessation des paiements. Autrement dit, il ne sera plus possible de rendre ses biens immobiliers insaisissables quelques jours seulement avant de faire l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
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